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Jésus profana-t-Il le sabbat ?

Pourquoi Ses disciples arrachèrent-ils des épis de blé ?

par Dexter Wakefield

Il semblerait que partout où allait Jésus, les chefs religieux de Son époque L’observaient afin de surprendre en Lui quelque faute. Parce qu’ils rejetaient, eux, la « non orthodoxie » de l’enseignement de Jésus, ils auraient particulièrement souhaité trouver, contre Lui, des motifs pour L’accuser d’adversaire de la loi.

Ironiquement, beaucoup de ceux qui proclament suivre Jésus, aujourd’hui, reprennent à leur compte les accusations qui émanaient des scribes et des pharisiens – selon lesquelles Jésus aurait enfreint, contourné, ou Se serait écarté de la loi de Son Père. Ils se réfèrent parfois à Marc 2 :23-28 : « Il arriva, un jour de sabbat, que Jésus traversa des champs de blé. Ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis. Les pharisiens lui dirent : Voici, pourquoi font-ils ce qui n’est pas permis pendant le sabbat ? (versets 23-24).

Quelqu’un qui a faim peut calmer celle-ci en arrachant quelques épis de grain mûrs, et les mâchant après les avoir écossés dans les mains. C’était une pratique habituelle au temps de Jésus ; si vous habitez dans une région agricole, vous l’avez peut-être fait vous-même.

Les pharisiens n’accusèrent pas les disciples de vol. La loi autorisait un passant à prendre des épis qu’il pouvait manger sur place, pour autant qu’il ne s’agît pas d’une récolte destinée à être consommée plus tard, ou à être vendue. « Si tu entres dans les blés de ton prochain, tu pourras cueillir des épis avec la main, mais tu n’agiteras point la faucille sur les blés de ton prochain » (Deutéronome 23 :25).

Une récolte ?

Malgré ce passage de Deutéronome, les pharisiens accusèrent les disciples d’avoir fait une récolte le jour du sabbat – selon eux ! Dans la loi que Dieu donna à Moïse – la Torah ou le Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome) – récolter pendant le sabbat est effectivement interdit. « Tu travailleras six jours, et tu te reposeras le septième jour ; tu te reposeras, même au temps du labourage et de la moisson » (Exode 34 :21). Il était cependant permis de faire de légers préparatifs pour les repas du sabbat.

Comment les scribes et les pharisiens pouvaient-ils accuser les disciples de faire une récolte – un travail – pendant le sabbat ? Après que la tribu de Juda fut rentrée de la captivité de Babylone, à l’époque d’Esdras, la prêtrise adopta une importante tradition orale qui interprétait la Torah. Cette tradition orale et rabbinique – codifiée plus tard dans la Mishna – finit par faire autorité, et l’enfreindre tant soit peu devenait aussi grave que d’enfreindre une loi spécifique de la Torah, comme par exemple le commandement interdisant de travailler le sabbat. Exode 20 : 8-11 déclare : « Souviens-toi du jour du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l’Eternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l’Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s’est reposé le septième jour : c’est pourquoi l’Eternel a béni le jour du repos et l’a sanctifié. »

La tradition a-t-elle valeur de loi ?

Qu’est-ce qu’un travail ? La Mishna, issue de la tradition orale rabbinique, dresse la liste « d’au moins quarante » tâches qu’elle considère être un travail ou un labeur qui violent le sabbat.

La liste comprend les activités agricoles du battage et du vannage – c’est-à-dire l’action de détacher les cosses des épis de blé et de séparer les grains de la balle (Mishna, Sabbat). Souvenez-vous que, pour les scribes et les pharisiens, la violation de leur tradition orale de la loi équivalait à violer la loi. En conséquence, les pharisiens qui avaient vu les disciples de Jésus arracher et frotter ensemble quelques épis de blé pouvaient dire : « Voici, pourquoi font-ils ce qui n’est pas permis pendant le sabbat ? » alors même que le Pentateuque ne considère pas cela comme une activité spécifiquement liée à la moisson.

Il est intéressant de noter que toutes les autorités juives de l’époque n’étaient pas d’accord avec les pharisiens du temps de Jésus. Les rédacteurs du Talmud déclarent que quelqu’un peut cueillir et manger des grains de blé, le sabbat, s’il se contente de les frotter du bout des doigts, et non avec la paume des mains. Une autre autorité (le rabbin Judah ben El’ai) dit que la même chose pouvait se faire à condition de ne pas se servir d’un quelconque ustensile.

Les pharisiens veillaient jalousement à leur rôle d’interprètes de la loi, et réagissaient vigoureusement à toute divergence. Mais Jésus – le grand Législateur dans la chair – savait que leurs raisonnements n’étaient pas toujours justes. Toutes les discussions concernant le sabbat entre Jésus, les scribes et les pharisiens, ont montré que leur tradition orale interprétait mal la Torah. A chaque fois, Jésus Se référait aux Ecritures pour expliquer quelle était l’intention d’une loi particulière ; ce faisant, Il confirmait et magnifiait le commandement du sabbat. Jésus n’a jamais dit qu’il était permis d’enfreindre la loi que Moïse avait transmise, et que Lui-même ai eu l’intention de le faire. Beaucoup de commentateurs assurent, erronément, que Jésus et les pharisiens étaient en désaccord sur la validité du commandement du sabbat d’après la Torah. Mais, en fait, ils étaient en désaccord sur des points de la tradition rabbinique orale, qui devint la Mishna. En expliquant aux pharisiens comment il fallait comprendre correctement le sujet particulier du sabbat, Jésus n’affaiblissait ni ne rejetait le sabbat ; au contraire, Il le confirmait.

Une supposition erronée

Les pharisiens qui accusaient les disciples de transgresser le sabbat, au sujet de la loi sur la moisson, partaient d’un mauvais point de vue. Ils considéraient que la loi divine était premièrement un système limitatif, et supposaient que plus l’interprétation de la loi était restrictive, mieux cela valait ; c’est ainsi qu’ils entraient à ce point dans les détails, parfois même perdant de vue l’intention première de la loi.

Mais la vie n’est pas uniquement faite d’une suite de restrictions. L’apôtre Paul a écrit : « C’est par la loi que vient la connaissance du péché » (Romains 3 :20), or il est certain que Jésus enseigna la repentance au péché (Marc 1 :15). Il enseigna aussi à Ses disciples à vivre dans la repentance – ce qui constitue un véritable mode de vie – en agissant d’une manière juste devant Dieu. Les pharisiens avaient besoin de comprendre les priorités de Dieu dans leur façon d’observer le sabbat.

Lorsque les pharisiens virent les disciples arracher des épis de blé, ils auraient dû interpréter la loi avec compassion, en considérant que des hommes qui avaient faim avaient trouvé l’occasion de se préparer à manger. Au contraire, ils choisirent de voir la loi dans son sens le plus limitatif, qui interdisait le battage et le vannage. Etait-ce leur interprétation traditionnelle que Dieu affectionnait ? Jésus leur cita un précédent enregistré dans la Bible, pour leur montrer qu’ils avaient tort : « Jésus leur répondit : N’avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu’il fut dans la nécessité et qu’il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui ; comment il entra dans la maison de Dieu, du temps du souverain sacrificateur Abiathar, et mangea les pains de proposition, qu’il n’est permis qu’aux sacrificateurs de manger, et en donna même à ceux qui étaient avec lui ? Puis il leur dit : Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat » (Marc 2 :25-28).

Pour en revenir à David

Beaucoup de gens croient que Jésus avait le droit de transgresser le sabbat, s’Il le souhaitait (et, par extension, les disciples également), ou de S’éloigner tant soit peu d’un des Dix Commandements. Mais un bref examen du récit biblique auquel Jésus Se référait révèle Son idée précise.

« David se rendit à Nob, vers le sacrificateur Achimélec, qui accourut effrayé au-devant de lui et lui dit : Pourquoi es-tu seul et n’y a-t-il personne avec toi ? David répondit au sacrificateur Achimélec : Le roi m’a donné un ordre et m’a dit : Que personne ne sache rien de l’affaire pour laquelle je t’envoie et de l’ordre que je t’ai donné. J’ai fixé un rendez-vous à mes gens. Maintenant qu’as-tu sous la main ? Donne-moi cinq pains, ou ce qui se trouvera. Le sacrificateur répondit à David : Je n’ai pas de pain ordinaire sous la main, mais il y a du pain consacré ; si du moins tes gens se sont abstenus de femmes ! David répondit au sacrificateur : Nous nous sommes abstenus de femmes depuis trois jours que je suis parti, et tous mes gens sont purs ; d’ailleurs, si c’est là un acte profane, il sera certainement aujourd’hui sanctifié par celui qui en sera l’instrument. Alors le sacrificateur lui donna du pain consacré, car il n’y avait pas là d’autre pain que du pain de proposition, qu’on avait ôté de devant l’Eternel pour le remplacer par du pain chaud au moment où on l’avait pris » (I Samuel 21 :1-6).

Jésus reconnaissait devant les pharisiens qu’il n’était pas permis à une personne non sanctifiée de manger le pain de proposition du Tabernacle de Dieu. Il est exact que, normalement, seuls les prêtres étaient sanctifiés et pouvaient manger ce pain. Alors, pourquoi le souverain sacrificateur demanda-t-il à David si ses gens s’étaient abstenus de femmes depuis trois jours ? Il n’y a, dans la Bible, qu’un seul événement qui se rapporte à un « célibat » de trois jours, en relation avec une sanctification pour les non-prêtres. Achimélec agissait exactement selon l’exemple laissé lors de la proclamation des Dix Commandements au mont Sinaï, pour faire preuve de compassion, dans le cadre de la loi, envers des hommes qui avaient faim. « Moïse descendit de la montagne [...]; il sanctifia le peuple, et ils lavèrent leurs vêtements. Et il dit au peuple : Soyez prêts dans trois jours ; ne vous approchez d’aucune femme [...]. Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu ; et ils se placèrent au bas de la montagne » (Exode 19 :14-15, 17).

De cette façon, Dieu permit à la congrégation d’être sanctifiée par cet usage, et de se présenter devant Lui pour entendre l’énoncé des commandements.

Ce n’était pas illicite

Le souverain sacrificateur ne permit pas à David et aux gens qui l’accompagnaient de faire quelque chose d’illicite. Il jugea selon un exemple ancien établi par Dieu à travers Moïse, dans un esprit de compassion envers des gens qui ont faim – peut-être même prêts de mourir de faim. Cette décision permit aux hommes de manger, car ils étaient sanctifiés selon l’usage par leurs trois jours d’abstinence. Même un prêtre devait être sanctifié pour manger le pain de proposition dans le cadre de la loi (quoique cette sanctification se faisait différemment). Ce souverain sacrificateur aurait pu aisément voir les choses d’un point de vue restrictif, mais il comprenait que cela n’aurait pas été la meilleure approche selon la justice. Notez également que David comprit aussitôt à quoi Achimélec faisait référence ; il est donc probable que la règle des trois jours d’abstinence existait dans la tradition orale que David connaissait.

En d’autres circonstances, cet acte de David, de ses hommes et du souverain sacrificateur aurait été illicite. Mais Jésus a montré qu’en ce cas précis, les agissements de David n’étaient pas illicites. D’aucuns disent que Jésus permettait à Ses disciples de ne plus observer la loi, parce qu’Il justifiait David d’avoir transgressé la loi ; mais, en réalité, Jésus mentionna l’événement des pains de proposition parce que cette action de David, ainsi que celle des disciples étaient selon la loi et la justice.

Dans le récit parallèle de Matthieu 12, Jésus cita Osée 6 :6 et dit : « Si vous saviez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices, vous n’auriez pas condamné des innocents. Car le Fils de l’homme est maître du sabbat » (Matthieu 12 :7-8).

Jésus montra aux pharisiens que leur interprétation traditionnelle de la Torah, en l’occurrence, était incorrecte et, pour le prouver, Il cita le souverain sacrificateur du temps de David, qui cita lui-même Moïse, qui cita Dieu. Puisque nous savons que Jésus était le Dieu de l’Ancien Testament, on peut dire que Jésus Se référait effectivement à Lui-même. Il est, en vérité « le Maître du sabbat » qu’Il a fait pour l’humanité ; c’est Son droit de l’interpréter dans ce sens. De la sorte, Jésus magnifia et confirma le sabbat.

Quelques définitions :

La Torah

En hébreu : « enseignement » ou « instruction ». Dans le judaïsme, dans un sens large, la substance de la révélation divine à Israël, au peuple juif : les enseignements révélés par Dieu ou les directives destinées à l’humanité. La signification de « Torah » se limite souvent à la désignation des cinq premiers livres de l’Ancien Testament, également appelés la loi ou le Pentateuque (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome). Le terme Torah sert aussi à désigner toute la Bible hébraïque. Pour certains Juifs, les lois et les coutumes transmises par la tradition orale font partie intégrante de la révélation à Moïse, et constituent la « Torah orale ». La Torah peut donc comprendre à la fois la loi orale et la loi écrite (Encyclopædia Britannica, “Torah”. C’est nous qui traduisons).

La Mishna

La Mishna, qui signifie en hébreu étude répétée, est « [...] la plus ancienne collection et la plus ancienne codification de lois orales juives post-bibliques reconnues, rassemblées par de nombreux érudits (appelés tannaïm) sur une période d’environ deux siècles. Cette codification fut revêtue de sa forme finale au début du 3ème siècle avant Jésus-Christ par Judah Ha-Nâsî. La Mishna vient en plus des lois écrites, ou scripturales, du Pentateuque. Elle contient des interprétations nombreuses de traditions légales, préservées oralement depuis la fin de l’époque d’Esdras (450 av. J.-C. Même référence, “Mishna”).

Le Talmud

En hébreu « étude » ou « instructions ». « Quoique la Mishna contint presque toute la collection des lois juives connues à cette époque-là, cela ne voulait pas dire qu’elle empêchait toute autre interprétation contradictoire. Presque aussitôt [...] des érudits juifs en Palestine et à Babylone commencèrent à élaborer d’amples commentaires sur la Mishna, qui furent appelés Gemara. Lorsque l’ouvrage fut terminé plusieurs siècles plus tard, la Mishna et la Gemara furent assemblées et furent appelées le Talmud » (Même référence, “Halakhah”).