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La voie de Caïn

par Gerald Weston

Observer sa première Fête des Tabernacles est une expérience mémorable pour ceux d’entre nous qui ne sommes pas nés dans l’Église. Les souvenirs de ma première Fête sont tellement nombreux qu’ils ne tiendraient pas dans l’espace dévolu à cet éditorial, mais je souhaite partager l’un d’entre eux avec vous. Il s’agit d’un sermon donné par un ministre expérimenté, un évangéliste dans l’Église de Dieu à cette époque-là. Je ne me souviens plus s’il avait donné le titre de son sermon et, quand bien même il l’aurait mentionné, je ne m’en souviens pas car ce récit remonte à plus de 50 ans. Mais si je devais accoler un titre à ce sermon, ce serait « la voie de Caïn ».

Gerald Weston
Gerald Weston
Rédacteur en chef

Après le sermon, l’effervescence était perceptible entre les membres, mais je le trouvais trop intellectuel et obscur. Cet enseignement me dépassait un peu. En effet, j’avais seulement assisté à une assemblée de sabbat et au Jour des Expiations avant de venir à la Fête. Désormais, je comprends mieux ce sermon grâce aux extraits qui me restent en mémoire. Le premier verset utilisé par ce ministre parlait de Caïn : « Malheur à eux ! car ils ont suivi la voie de Caïn, ils se sont jetés pour un salaire dans l’égarement de Balaam, ils se sont perdus par la révolte de Koré » (Jude 1 :11). Quelle est donc cette « voie de Caïn » ?

Caïn est connu pour être le premier meurtrier, celui qui tua son frère, mais que savons-nous de plus à son sujet ? Que savons-nous à propos de sa « voie » ? Même dans l’Église, peu de gens se posent cette question et c’est la raison pour laquelle ce sermon avait eu un aussi grand impact. Il apportait une nouvelle connaissance. C’était une révélation pour la plupart des membres présents.

L’historien Flavius Josèphe, qui vécut au premier siècle de notre ère, fut cité afin de nous éclairer à ce sujet : « Caïn était en tout d’une grande perversité et n’avait d’yeux que pour le lucre [le profit] ; il est le premier qui ait imaginé de labourer la terre […] Caïn apporta les fruits de la terre, et ceux des arbres cultivés ; Abel, du lait et les premiers-nés de ses troupeaux. C’est cette offrande qui plut davantage à Dieu : des fruits nés spontanément et selon les lois naturelles l’honoraient, mais non pas des produits obtenus par la cupidité d’un homme, en forçant la nature » (Antiquités judaïques, livre 1, éditions Leroux, page 4, traduction Julien Weill).

À quel point pouvons-nous nous fier à la description de Caïn donnée par Josèphe ? Le reste de la Bible ne mentionne nulle part que ce serait un péché de labourer la terre (1 Rois 19 :19 ; Luc 9 :62 ; 17 :7). Cependant, la plupart des méthodes agricoles dans le monde actuel impliquent de « forcer la nature » avec des engrais chimiques, des pesticides et d’autres techniques. Mais il est difficile de savoir exactement comment Caïn « força » la terre à son époque et si ce fut le cas. C’est cette partie du sermon que j’avais trouvé difficile à comprendre. Néanmoins, il est évident que Caïn basa sa vie sur le principe de « prendre » et que Josèphe ne se trompait pas lorsqu’il écrivit que Caïn « n’avait d’yeux que pour le lucre ».

Dieu posa une question à Caïn

La vie de Caïn fut dominée par la voie consistant à « prendre ». Même sans l’analyse de Josèphe, nous constatons ce problème en lisant les passages bibliques faisant référence à Caïn. Dans Genèse 4, le récit ne mentionne pas l’ombre d’un regret de la part de Caïn ; il s’apitoya uniquement sur son sort à cause de la punition qu’il avait reçue pour avoir tué Abel. Rien n’indique qu’il ait compris la portée de son péché. Il semblait ne pas en avoir conscience : « Mon châtiment est trop grand pour être supporté » (Genèse 4 :13). Nous apprenons aussi dans 1 Jean 2 :11 : « Mais celui qui hait son frère est dans les ténèbres, il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce que les ténèbres ont aveuglé ses yeux. » Caïn était aveuglé par sa jalousie et sa haine contre son frère.

M. Lambert Greer a donné un sermon intéressant sur la réponse de Caïn à la question posée par Dieu : « Où est ton frère ? » – ce à quoi il répondit : « Suis-je le gardien de mon frère ? » M. Greer montra qu’il s’agissait d’une des questions centrales posées dans la Bible. Vous préoccupez-vous du bien-être des autres ? Pensez-vous sincèrement et de tout votre cœur au bien des gens qui vous entourent ? Oui, êtes-vous le gardien de votre frère ? La réponse à cette question révèle votre état d’esprit à Dieu et s’Il vous acceptera ou non dans Son Royaume.

Deux voies

M. Herbert Armstrong utilisait des termes similaires pour présenter cette question aux dirigeants mondiaux qu’il rencontrait. Il reconnaissait les défis rencontrés par ces hommes et ces femmes, et il leur présentait une petite partie de l’Évangile dans un langage qui ne soit ni ouvertement offensant ni difficile à comprendre. Il expliquait qu’il existe deux modes de vie : celui consistant à prendre et celui consistant à donner. Le premier se révèle à travers l’égoïsme. C’est un intérêt focalisé sur soi-même et sur la façon de devenir « numéro un ». L’autre voie se révèle en prêtant attention aux autres, en prenant soin de leur bien-être. M. Armstrong ne leur mentionna peut-être jamais spécifiquement l’exemple de Caïn, mais il comprenait le problème de Caïn et il expliqua tous les problèmes du monde en ces termes. Il comprenait que chaque individu devait faire un choix : « Vais-je donner ou vais-je prendre ? »

Malheureusement, la plupart des dirigeants ont choisi le mode de vie consistant à prendre. Le professeur Walter Williams, de l’Université George Mason, expliqua le problème des politiciens avec des termes similaires : « La façon d’être élu aujourd’hui est de promettre de prendre par la force de la loi quelque chose appartenant à une personne et de donner ce qu’il a gagné à d’autres individus qui ne l’ont pas gagné. » Ou comme Henry Hazlitt l’explique dans l’Économie en une leçon(1), deux personnes travaillent ensemble pour décider ce qu’un autre individu devrait faire pour la société avec les ressources de cette personne. Il est facile de vivre selon la voie qui consiste à donner lorsque nous donnons de l’argent appartenant à quelqu’un d’autre !

Un pharisien, docteur de la loi, posa une question à Jésus afin de Le piéger : « Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? » Jésus montra non seulement qu’Il connaissait la loi, mais aussi qu’Il comprenait la portée de cette question : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes » (Matthieu 22 :36-40).

Qu’est-ce que l’amour ?

Peu de gens comprennent ce qu’est véritablement l’amour. Ils pensent qu’il s’agit d’une émotion et de ce qu’ils ressentent à l’égard d’une autre personne. Une des grandes leçons transmises aux étudiants à l’Ambassador College était la véritable signification de l’amour, une préoccupation désintéressée pour les autres. Malheureusement, certains n’ont jamais assimilé cette leçon. Il est vrai que c’est une leçon difficile à apprendre. Nous pensons tous posséder cette qualité, mais cela va contre notre nature qui a été décrite avec justesse dans Jérémie 17 :9 : « Le cœur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant : qui peut le connaître ? » Oui, qui peut le connaître ? Combien de nos actions quotidiennes sont-elles basées sur le bien-être d’autrui ? Combien sont-elles basées sur le fait de nous mettre en avant ?

Apprendre à aimer Dieu et ceux qui nous entourent est quelque chose que Dieu grave dans notre caractère, décision après décision – et cela ne peut s’accomplir qu’à travers le Christ vivant en nous par la puissance du Saint-Esprit. Il éduque notre conscience à reconnaître les choix entre les voies consistant à prendre ou à donner. Son Esprit nous guide et nous pousse à nous préoccuper des autres, mais nous devons toujours avoir la volonté de faire ce qui est bien.

Le véritable amour n’est pas qu’une émotion. Certes, des émotions peuvent accompagner l’amour, mais ce n’est pas la même chose. Nous savons que Dieu est amour (1 Jean 4 :8, 16). Il prend soin de nous. Il veut et Il espère le meilleur pour chacun d’entre nous. La plus grande preuve de Son amour est le sacrifice de Son Fils afin que nos pensées et nos actions égoïstes puissent être pardonnées (Jean 3 :16). C’est l’attitude spirituelle qu’Il développe chez ceux qui deviendront Ses enfants (Galates 2 :20).

Comme M. Greer le mentionna dans son sermon, la Bible entière nous enseigne cette leçon. Adam et Ève ont choisi la voie consistant à prendre lorsqu’ils ont mangé du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ils ignorèrent leur Créateur en choisissant de faire ce qui leur plaisait. Caïn choisit un mode de vie basé sur sa personne. Saül recherchait avidement les louanges du peuple, plus que l’obéissance à Dieu. C’était une décision basée sur le court terme.

Le choix d’Ésaü est un des plus grands exemples d’une mauvaise décision. Il vendit son droit d’aînesse pour satisfaire une envie temporaire. Il se dit : « Voici, je m’en vais mourir ; à quoi me sert ce droit d’aînesse ? » (Genèse 25 :32). Mais les Écritures montrent qu’il n’était pas sur le point de mourir : « Alors Jacob donna à Ésaü du pain et du potage de lentilles. Il mangea et but, puis se leva et s’en alla » (verset 34). C’est ainsi qu’Ésaü méprisa le droit d’aînesse. La seule chose à laquelle il était capable de penser à ce moment-là était de savoir comment satisfaire sa faim temporaire. Il ne voyait pas les implications à long terme de cette décision qui affecterait l’avenir de sa famille. L’apôtre Paul nous dit qu’Ésaü était un débauché (ou un fornicateur) et un profane (Hébreux 12 :16) – des caractéristiques montrant que son mode de vie était focalisé sur sa personne.

Jacob, le frère d’Ésaü, a appris à ses dépens que les ambitions égoïstes engendraient un lourd tribut à payer. Il est intéressant de lire le récit de sa vie et de voir que son oncle Laban le trompa, tout comme il avait lui-même trompé son père (Genèse 29 :23-25 ; 31 :38-42).

Même le roi David, un homme selon le cœur de Dieu, prit une décision très égoïste lorsqu’il ordonna le meurtre d’un autre homme pour lui prendre sa femme. Après cela, sa vie ne fut plus jamais la même (2 Samuel 12 :9-12). Nous voyons dans les chapitres suivant cette affaire sordide la réalisation de toutes les malédictions annoncées contre David par le prophète Nathan. L’enfant de l’adultère avec Bath-Schéba mourut, sa fille Tamar fut violée par son demi-frère et, en conséquence, l’animosité entre deux de ses fils en conduisit un à tuer l’autre. David dut même s’enfuir pour sauver sa peau lorsque Absalom conspira contre lui.

Chers frères et sœurs, cette leçon doit être bien plus qu’une réflexion théorique. Dieu forme notre esprit afin que nous agissions comme Il agirait, mais nous devons faire preuve de volonté dans ce processus. Nous décrivons souvent 1 Corinthiens 13 comme étant le chapitre de l’amour et c’est le cas. Mais quand avez-vous vraiment médité pour la dernière fois sur sa signification ? À quel point êtes-vous indulgent(e) ? Êtes-vous devenu(e) plus patient(e) avec ceux qui sont les plus proches de vous, comme votre mari ou votre épouse ? Quel conducteur, ou quelle conductrice, êtes-vous lorsque vous vous rendez au travail ? Êtes-vous focalisé(e) sur le fait d’arriver au plus vite ? Ou bien considérez-vous les besoins des autres lorsque deux routes se rejoignent ?

Êtes-vous aimable ? Nous pensons tous être aimables, mais le sommes-nous vraiment ? Sommes-nous vraiment concernés par le bien-être des autres ? Sommes-nous davantage préoccupés par nos ambitions personnelles que par le fait d’aider les autres à progresser ? Imaginez à quel point l’Église de Dieu grandirait si nous nous efforcions tous à croître selon ce chapitre de l’épître aux Corinthiens.

Donner, prendre et chercher l’équilibre

Dans un podcast de l’Université Wharton, Adam Grant fut interrogé au sujet de son livre Donner et prendre(2). Il mentionna que les gens peuvent être séparés en deux groupes opposés : ceux qui ne pensent qu’à eux-mêmes et ceux qui font tout ce qu’ils peuvent pour aider les autres. Il expliqua au sujet de ceux qui prennent : « Lorsqu’ils interagissent avec une autre personne, les “preneurs” essaient d’obtenir tout ce qu’ils peuvent de cette personne en donnant le minimum possible en retour, en pensant que c’est la voie la plus courte et la plus directe pour atteindre leurs propres objectifs » (Knowledge@Wharton, Audio Blog Post, Université Wharton de Pennsylvanie, 10 avril 2013).

M. Grant expliqua ensuite l’autre extrême : « À l’autre bout de la chaîne, nous avons cette espèce étrange de personnes que je qualifierais de “donneurs”. Il ne s’agit pas de donner de l’argent ou d’aider en tant que bénévole, mais de chercher à aider les autres en les initiant, en leur donnant des conseils, en les guidant ou en partageant des connaissances, sans rien attendre en contrepartie. »

Puis il mentionna un troisième groupe qui est le plus intéressant à bien des égards, car beaucoup – même dans l’Église – tombent dans cette catégorie : « Peu d’entre nous sommes uniquement des preneurs ou des donneurs. La plupart d’entre nous sommes entre les deux. Cela nous conduit à un troisième groupe de gens qui cherchent l’équilibre. Ces derniers vont essayer de maintenir un équilibre entre ce qu’ils donnent et ce qu’ils vont prendre. Si je vous aide, j’espère que vous m’aiderez en retour. Ils tiennent des comptes, afin que tout ce qu’ils échangent soit vraiment juste et équitable. » Pour information, M. Grant ajouta que les « donneurs » étaient ceux qui réussissaient le mieux dans le monde des affaires.

En apparence, ceux qui cherchent l’équilibre ont l’air d’être de bons individus. Mais le sont-ils vraiment ? Ne sont-ils pas des « preneurs » déguisés ? « Je vous donne ceci, à condition que vous me donniez cela. » C’est la cause de nombreux problèmes au sein du mariage. Ces personnes pensent que le mariage est une relation à 50/50. « Je fais la moitié du chemin… » Ou de façon plus concrète : « Si tu fais davantage ceci ou cela, je ferai davantage ceci ou cela. » Mais ce n’est pas la voie divine. La voie de Dieu est que chacun accomplisse sa part sans se demander si l’autre fait sa part de son côté. Les épouses ont reçu l’instruction de respecter leur mari et les maris d’aimer leur épouse. Chacun doit accomplir son rôle à 100%, et non aller à la rencontre de son conjoint à mi-chemin.

Qu’en est-il de vous ? Pouvez-vous lire et méditer sur chaque point de l’amour mentionné dans 1 Corinthiens 13 et dire que vous ressemblez plutôt au Christ ? Cela doit être bien plus qu’un exercice théorique. Il est facile de lire des articles, d’écouter des sermons et même de lire la Bible – mais de ne pas changer. Où sont toutes les personnes qui étaient assises et qui écoutaient le même sermon que moi en 1964, pendant la Fête des Tabernacles à Squaw Valley ? Que leur est-il arrivé ? Qu’en est-il de ceux qui ont entendu M. Armstrong expliquer les modes de vie consistant à donner et à prendre, ainsi que la signification des deux arbres ? Il éleva la voix à de nombreuses reprises pour dire : « La plupart d’entre vous ne comprennent pas ! » Où sont-ils aujourd’hui ? Nous pensions tous « comprendre » cela, mais apparemment ce n’était pas le cas !

Nous vivons dans un monde encourageant la gratification de soi. Cela peut sembler bon en apparence, mais est-ce vraiment le cas ? S’agit-il de la voie de Dieu ou de la voie des hommes ? Nous entendons parler d’estime de soi, d’amour de soi, d’épanouissement personnel, d’auto-accomplissement et de développement personnel. Cette course à la reconnaissance personnelle n’est-elle pas ce dont Paul nous met en garde et ce qu’il condamne ?

« Sache que, dans les derniers jours, il y aura des temps difficiles. Car les hommes seront égoïstes, amis de l’argent, fanfarons, hautains, blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, irréligieux, insensibles, déloyaux, calomniateurs, intempérants, cruels, ennemis des gens de bien, traîtres, emportés, enflés d’orgueil, aimant le plaisir plus que Dieu, ayant l’apparence de la piété, mais reniant ce qui en fait la force. Éloigne-toi de ces hommes-là. Il en est parmi eux qui s’introduisent dans les maisons, et qui captivent de faibles femmes chargées de péchés, agitées par des passions de toute espèce » (2 Timothée 3 :1-6).

Dieu bâtit une famille qui vivra dans la joie et l’harmonie. Il nous donne la direction dans laquelle nous devons marcher : « Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13 :34-35).

 

1. Economics in One Lesson
2. Give and Take